STERLING (LIVRE)

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STERLING (LIVRE)

Même si la livre sterling reste une grande monnaie, elle n’a plus, de nos jours, la place privilégiée qui fut la sienne dans les courants monétaires et financiers internationaux.

Si elle tend à devenir de plus en plus une monnaie comme les autres, elle conserve les séquelles de son prestigieux passé. Monnaie internationale par excellence jusqu’en 1914, fonction qu’elle exerce alors sans partage, la livre sort affaiblie du premier conflit mondial et doit adopter une position de repli au sein de ce que sera le bloc sterling à partir de 1931. L’accumulation des balances sterling pendant la Seconde Guerre mondiale et la détérioration de la situation économique du Royaume-Uni vont peser lourdement sur la livre dont l’avenir reste incertain.

Si l’importance financière de la City et l’efficacité des structures bancaires britanniques permettent à la livre sterling de conserver en partie un statut de monnaie internationale, les avantages que la Grande-Bretagne peut tirer de cette situation sont loin d’en compenser les coûts.

La suprématie de la livre sterling

Quand, en 1816, à l’issue des guerres napoléoniennes, la valeur de la livre fut fixée à 7,33072 grammes d’or fin, nul n’aurait pu imaginer que cette parité allait prévaloir pendant plus d’un siècle. Cette convertibilité sans failles n’est cependant pas suffisante pour expliquer le statut de monnaie internationale que la livre sterling aura jusqu’aux lendemains de la Première Guerre mondiale. On y voit plutôt le reflet de la prépondérance britannique tout au long du XIXe siècle.

Ayant effectué la première sa révolution industrielle, l’Angleterre atteint une position économique dominante, dès la fin du XVIIIe siècle. Pour satisfaire ses besoins d’importations, et faciliter les débouchés à son industrie, elle devient très vite, avec l’instauration du libre-échange, la première puissance commerciale; vers 1850 elle réalise le quart des exportations mondiales, vers 1875, elle absorbe plus du tiers des importations.

Sur cette base considérable vont venir se greffer trois éléments. En premier lieu, Londres offre tout un ensemble de services indispensables à la réalisation des transactions internationales et auxquels tous les pays auront recours. Les marchés de matières premières, des frets, des assurances fonctionnent dans la City, et un système bancaire très sophistiqué, qui a généralisé très tôt les techniques de l’escompte et de l’acceptation, permet le financement des opérations commerciales tout en garantissant leur règlement. Une intense activité de transit par les entrepôts de Londres s’instaure et la livre sterling devient par nécessité la monnaie d’expression du prix international des marchandises. Elle est également la monnaie de règlements, d’autant que l’on peut, sans aucune difficulté, acquérir n’importe quelle autre monnaie en contrepartie de livres sterling sur le marché des changes de la capitale anglaise. En deuxième lieu, l’Angleterre devient, dans la seconde moitié du XIXe siècle, un exportateur net de capitaux qui serviront à financer non seulement le commerce mondial, mais aussi les investissements productifs dans de nombreux pays. Offrant, par ailleurs, les meilleures possibilités de placements, elle attire tous les capitaux en mal d’utilisation. Enfin, une partie du monde se trouve sous la dépendance directe de l’Angleterre et, dès 1825, une ordonnance de la Trésorerie crée, dans les pays de l’Empire, des Currency Boards chargés de l’échange à parité fixe des monnaies locales contre des livres.

Dans un tel contexte, le système monétaire international devient beaucoup plus qu’un Gold Standard, où le règlement des transactions et la compensation des déséquilibres extérieurs s’effectuent en or, un Sterling Exchange Standard dans lequel la livre remplit, concurremment avec l’or, les grandes fonctions monétaires internationales: elle est monnaie de compte et les prix des marchandises sont le plus souvent exprimés en livre; elle est monnaie de règlement car elle est plus facile à utiliser que l’or. En outre, les paiements et l’utilisation des crédits peuvent être réalisés par simples jeux d’écritures dans les comptes des banques anglaises et de leurs correspondants locaux; elle devient monnaie de réserve et les opérateurs internationaux vont détenir des encaisses en livres sterling d’autant plus facilement que la «livre vaut l’or» et que les banques rémunèrent les dépôts. De plus, outre les colonies et les dominions, de nombreux pays détiendront une partie de leurs réserves en livres sterling.

La Banque d’Angleterre assure la régulation du système, et tout déséquilibre est rapidement compensé par un afflux ou un reflux de capitaux, obtenus essentiellement par manipulation du taux d’escompte. Pendant la seconde moitié du XIXe siècle, elle y recourt avec succès près de quatre cents fois.

À la fin du siècle, la situation commence toutefois à se dégrader. L’Angleterre n’est plus la première puissance économique et sa part dans le commerce mondial a baissé. Si le maintien de la position dominante de la livre sterling reste l’objectif prioritaire, des résultats ne sont obtenus sur ce point qu’au détriment de l’équilibre interne et au prix de la déflation. Mais à travers son statut de monnaie internationale, la livre confère à l’Angleterre des avantages énormes auxquels elle ne saura pas facilement renoncer.

Les années difficiles de l’entre-deux-guerres

L’erreur de 1925

Avec la fin du premier conflit mondial, la Grande-Bretagne a perdu sa suprématie. Le monopole de la livre est terminé et le dollar lui tient tête. Londres n’est plus la seule place financière internationale et on doit compter avec New York et Paris. Si pendant les années de guerre, les États-Unis ont soutenu les monnaies de leurs alliés, la suspension de la convertibilité de la livre sterling en mars 1919 aboutit, à la fin de 1920, à une forte dépréciation contre le dollar et ne vaut plus que 3,5 dollars contre une parité officielle de 4,87.

Pour des raisons de prestige, par nostalgie du passé mais aussi parce que les intérêts en jeu sont considérables, les économistes, à l’exception de Keynes, pensent qu’il faut revenir à la situation d’avant guerre, et le 13 mars 1925 le Gold Standard Act rétablit la convertibilité de la livre à son ancienne parité. Elle est manifestement surévaluée, notamment par rapport au franc français à partir de juin 1928. En conséquence, la Grande-Bretagne supporte un taux de chômage très élevé.

Certes, la City reste la première place financière du monde, mais les mécanismes régulateurs du XIXe siècle ne jouent plus. Les crises de change se succèdent qui vont obliger l’Angleterre à suspendre les paiements en or. Le 21 septembre 1931, la livre flotte et sera, de facto, dévaluée d’environ 30 p. 100.

La création du bloc sterling

Un certain nombre de pays qui entretiennent des relations particulièrement étroites avec le Royaume-Uni alignent leur attitude sur celle de la Grande-Bretagne et préfèrent dévaluer leur monnaie par rapport à l’or plutôt que de modifier leur parité par rapport à la livre. Ces nations, qui préfigurent ce que sera par la suite la zone sterling, continuent délibérément de détenir une part importante de leurs réserves en livres sterling.

La décision de 1931 consacre la fin du rôle de la livre comme monnaie internationale unique, mais son importance reste considérable et ce repli montre la force des positions acquises par la livre sterling pour tout un ensemble de pays. Le bloc possède une indiscutable cohésion renforcée par la remarquable stabilité de la livre jusqu’à la guerre, par la forte croissance de l’économie britannique et par la possibilité de bénéficier de la préférence impériale mise en place lors de la conférence d’Ottawa en 1932. Ces accords de désarmement douanier touchent les pays du Commonwealth – y compris le Canada qui ne fait pas partie du bloc sterling – et furent étendus à d’autres pays sans jamais toutefois concerner l’ensemble de la zone.

Cette tendance à la régionalisation du commerce mondial et à la création de zones monétaires est une caractéristique essentielle des années trente. Mais, face à l’instabilité chronique des autres blocs, les pays qui adhérèrent au bloc sterling n’eurent pas à regretter leur décision.

De la guerre au retour à la convertibilité

La création de la zone sterling

Avec la déclaration de guerre le Royaume-Uni met en place une réglementation des changes pour protéger ses réserves, et, le 3 septembre 1939, la zone sterling reçoit sa définition légale. En font partie les pays qui acceptent de mettre en place une réglementation identique, en contrepartie de quoi les mouvements de capitaux et les paiements resteront libres au sein de la zone, pendant la durée du conflit. Contrairement au bloc sterling, la zone épouse plus étroitement les limites du Commonwealth.

La zone fonctionne avec un pool central de réserves or et dollars; les pays de la zone échangent leurs avoirs en dollars, notamment contre des avoirs en livres sterling, et acceptent de limiter leurs dépenses en dollars.

Les années d’après-guerre

En 1945, la Grande-Bretagne est au bord de la faillite. Son endettement extérieur est énorme et les deux lignes de crédit des pays de la zone d’une part et des États-Unis d’autre part (prêt-bail) se ferment.

Les États-Unis accordent un prêt de 3 750 millions de dollars en 1945, en contrepartie de quoi le Royaume-Uni s’engage à rétablir la convertibilité de la livre sterling pour les transactions courantes, à mettre fin à la discrimination résultant du pool dollar, et à rendre librement convertible une partie des balances sterling.

Ce retour à la convertibilité du 15 juillet 1947 s’avère catastrophique et l’expérience prend fin le 20 août. L’Exchange Control Act d’octobre ira reformer une zone discriminatoire vis-à-vis du dollar dont la cohésion fut démontrée lors de la dévaluation de la livre le 19 septembre 1949.

Avec le retour des conservateurs au pouvoir en 1951, la politique britannique se modifie sensiblement. Il s’agit non seulement d’assurer la cohésion de la zone sterling, mais de préparer le retour à la convertibilité de la livre. Le marché des changes de Londres est rouvert en décembre. Le 22 mars 1954, on rouvre le marché de l’or et les principaux marchés de matières premières; de plus les non-résidents peuvent à nouveau utiliser les livres sterling sous certaines conditions. Malgré une détérioration des échanges commerciaux de 1951 et 1955 et une fuite massive de capitaux en 1957 qui oblige le gouvernement à casser l’expansion pour rétablir l’équilibre extérieur (politique de stop and go ), notamment par des manipulations des taux d’intérêt à court terme, la convertibilité de la livre est rétablie le 29 décembre 1958.

La livre en crise permanente

Alors que depuis la guerre la «pénurie de dollars» justifiait le renforcement des liens au sein de la zone sterling, cette motivation disparaît en 1958 et, pour la première fois depuis 1930, la raison d’être d’un bloc sterling n’existe plus. Les pays de la zone vont alors chercher à diversifier leurs réserves et la question des balances sterling qui existe depuis 1939 commence réellement à se poser.

La crise devient permanente et si les autorités britanniques, avec l’aide des États-Unis, résistent plusieurs années aux assauts de la spéculation, au prix de pertes très importantes de réserves, la livre est dévaluée de 14,3 p. 100 le 18 novembre 1967.

Certains pays de la zone sterling parmi les plus importants refusent la dévaluation et préfèrent rester soudés au dollar. La situation ne se stabilise pas pour autant et les pressions sur la livre continuent à s’exercer, conduisant le gouvernement britannique à octroyer en septembre 1968 une garantie de change dollar sur 90 p. 100 des balances sterling.

En contrepartie, les pays de la zone s’engagent à conserver une part minimale de leurs réserves en livres sterling pour bénéficier de cette garantie. L’incapacité de la livre à remplir sa fonction traditionnelle de monnaie de réserves semble définitivement démontrée.

Les causes profondes de cette évolution peuvent être trouvées dans la faiblesse persistante de la balance des paiements courants britannique, due notamment à un excès des dépenses publiques et à une dégradation de la compétitivité de l’économie britannique. De plus, les exportations nettes de capitaux, notamment à long terme, vont lourdement peser sur les réserves de changes déjà insuffisantes. Enfin s’agissant des balances sterling qui ne se sont guère réduites pendant la période, on assiste à l’apparition de nouveaux détenteurs qui se substituent aux créanciers traditionnels. Cette situation révèle l’importance d’un autre facteur: les difficultés croissantes du système monétaire international et les tentatives de coopération intergouvernementales, non pour sauver la livre sterling en tant que telle, mais pour protéger l’édifice de Bretton Woods qui s’effondrera au début des années soixante-dix.

La livre sous le régime des accords de Bâle (sept. 1968-déc. 1974)

Loin de stabiliser les balances officielles en livres sterling, qui étaient à la fin de 1968 à leur minimum (1 506 millions de livres), les accords de Bâle vont s’accompagner d’une accumulation importante de livres et les balances atteindront 3 347 millions de livres en mars 1973. Plusieurs facteurs expliquent une telle évolution:

– le jeu de la clause de détention d’un quota minimal de réserves en livres sterling. Toute augmentation des avoirs officiels de la zone doit s’accompagner d’un accroissement des balances sterling;

– la clause de change garantit la valeur de la livre en dollars alors que les placements en livres sterling bénéficient d’un différentiel d’intérêt favorable;

– depuis 1969, la balance des paiements courants du Royaume-Uni est en constante amélioration et le restera jusqu’en 1972;

– enfin, la période est caractérisée par une défiance vis-à-vis du dollar qui va directement profiter à la livre, dans la mesure où les autres pays vont chercher à se protéger contre des entrées massives de capitaux et où la seule alternative au dollar, en ce qui concerne la capacité d’absorption du marché des capitaux, reste la livre.

Alors que de nouvelles balances sterling se constituent, la plupart des pays bénéficiaires des accords de Bâle vont détenir des livres au-delà du quota minimal imposé. Le 25 septembre 1971, ces accords sont renouvelés pour les trente-cinq pays qui avaient opté pour une durée de trois ans et la Grande-Bretagne accepte une réduction des quotas minimaux. Négociant son entrée dans la Communauté économique européenne, Londres doit en effet faire preuve de bonne volonté. Les pays de la C.E.E., en particulier la France, ont peur que, en cas de retournement de tendance, la fuite devant la livre sterling fasse jouer la solidarité financière entre États membres; toute promesse de stabilisation des balances sterling ne peut avoir qu’un effet positif lors des discussions d’adhésion.

Le flottement de la livre et la fin de la zone sterling

Après la première dévaluation du dollar en décembre 1971, la situation va brutalement se retourner pour deux raisons essentielles. Les paiements courants britanniques se détériorent brutalement et, face à un dollar stabilisé à sa nouvelle parité, on peut s’attendre à une dépréciation de la livre sterling. La garantie de change demeure sur la base de 2,4 dollars alors que la nouvelle parité officielle est de 2,6. Il est donc tentant de tirer sur les balances sterling garanties à un niveau jugé insuffisant, d’autant plus que les avoirs au-dessus du quota sont importants, et qu’on peut profiter de la baisse des quotas obtenue lors de la renégociation de septembre 1971.

Face aux pressions énormes qui s’exercent sur le marché des changes (les balances sterling baisseront de plus de 400 millions de livres en un mois), et pour casser le mouvement de diversification des réserves, les autorités décident le 23 juin 1972 de laisser flotter la livre.

Les nouvelles dispositions de contrôle des changes restent encore favorables aux pays de la zone sterling, mais celle-ci n’a plus grande signification.

La fin des accords de Bâle

Pour les autorités britanniques, le flottement n’est que transitoire et doit prendre fin le 1er janvier 1974, date de l’entrée de la Grande-Bretagne dans la C.E.E. En fait, il n’en sera rien. Le 25 octobre, la livre tombe au-dessous de la parité garantie, la clause de change joue et coûte 60 millions de livres au Royaume-Uni. Malgré ces versements compensateurs, de nombreux États subissent des pertes importantes et cherchent à accélérer la diversification de leurs avoirs. Celle-ci, toutefois, ne se fera que lentement. Le dollar est en effet de plus en plus contesté. La capacité d’absorption des autres pays est limitée, alors que les mesures de contrôle des changes induisent des taux d’intérêt très faibles sur les dépôts. Vendre des livres sterling à grande échelle ne présente guère d’attrait.

Au début de septembre 1973, la livre se déprécie sensiblement à l’approche de la date d’expiration des accords de Bâle. La Banque d’Angleterre intervient massivement; le 6 septembre le Trésor annonce l’extension de la garantie de change pour six mois sur la base de 2,42, avec modification du jeu du quota minimal afin de répondre aux critiques des pays de la C.E.E.

À la fin de mars 1974, le cours moyen de la livre sterling est de 2,33, la clause joue et coûte 88 millions de livres. Mais la livre s’est fortement appréciée depuis janvier par rapport au dollar, de sorte que le jeu de la garantie de change s’avère particulièrement intéressant pour les bénéficiaires.

L’accord est à nouveau prolongé le 31 mars jusqu’à la fin de décembre, sur la base de minimum à nouveau réduit et d’une clause de change ne reposant plus sur le dollar mais sur une moyenne pondérée de monnaies. L’Australie décide au milieu de l’année de renoncer à la garantie et réduit ses avoirs de 450 millions de livres. Si les balances sterling ne baissent pas de manière importante, il est de plus en plus évident que le rôle de la nouvelle clause de change n’explique guère cette situation. Aussi, en décembre 1974, l’accord ne sera pas renouvelé.

La livre sterling et le pétrole

Pour la Grande-Bretagne, les balances sterling officielles protégées par l’accord de Bâle ne sont plus, et de loin, les plus importantes, et sont remplacées par de nouveaux avoirs accumulés par les pays producteurs de pétrole. Pendant la période qui s’ouvre avec le premier choc pétrolier on va assister à une transformation radicale de la situation dont on ne peut encore apprécier parfaitement toutes les conséquences sur la livre sterling.

– La crise pétrolière touche le Royaume-Uni de plein fouet: les déficits de la balance courante doivent être financés alors que les réserves de change sont particulièrement faibles. Le recours aux emprunts extérieurs par le secteur public et l’utilisation des facilités du F.M.I. seront alors largement utilisés. La Grande-Bretagne connaît une situation économique très difficile et le taux d’inflation élevé pèse de tout son poids sur la livre.

– La livre voit son rôle se détériorer rapidement en tant que monnaie de règlement du pétrole: 38,6 p. 100 des ventes sont libellées en livres sterling au premier trimestre de 1973 et 19 p. 100 seulement au troisième trimestre de 1975. Il en résulte des baisses brutales des encaisses-transactions en livres sterling qui vont exercer des pressions considérables sur le marché des changes. Le 10 décembre 1974 on assiste, à la suite d’une décision de l’Arabie Saoudite de ne plus vendre en livre mais en dollar, à une chute brutale de la monnaie anglaise malgré des interventions massives de la Banque d’Angleterre. La capacité d’absorption des marchés financiers britanniques reste toutefois importante et les pays de l’O.P.E.P. seront nécessairement conduits à les utiliser pour placer leurs excédents et cela d’autant plus que de nombreux pays comme l’Allemagne ou la Suisse essaient de se protéger contre des entrées massives de capitaux, que le dollar est également très fragile et qu’un besoin de diversification se fait sentir, enfin que les taux d’intérêt sur la livre sterling restent à un niveau très élevé.

En 1974, les balances sterling officielles de l’O.P.E.P. vont ainsi croître de plus de 2 000 millions de livres et l’attitude de ces pays vis-à-vis de la livre devient déterminante. Alors que les valeurs d’État britannique représentaient 43 p. 100 de ces avoirs en 1973, leur part tombe à 27 p. 100 à la fin de 1974. L’instabilité de balance sterling est donc considérablement accrue.

L’Angleterre se prépare à devenir un important producteur de pétrole et un exportateur non négligeable à partir de 1980. Le pétrole de la mer du Nord exige des investissements considérables qui peuvent certes s’effectuer au détriment des autres secteurs industriels, mais qui vont peser sur la balance des capitaux. La balance des paiements courants sera structurellement modifiée à partir de 1978. Le déficit commercial va faire place à un excédent alors que le solde des invisibles devait se dégrader sous la pression des revenus des investissements étrangers. La perspective d’excédents courants à partir de 1980 justifie un endettement accru de l’économie britannique vis-à-vis de l’étranger. On assistera à une modification des anticipations de change dans la mesure où l’on pense que le Royaume-Uni sera de moins en moins sensible à toute hausse du prix du pétrole.

L’évolution de la livre ne fera que refléter l’influence de tous ces facteurs aux effets très divers sur le marché des changes.

En terme pondéré, comme par rapport au dollar américain, la livre va se déprécier de manière continue jusqu’au troisième trimestre de 1976 où elle cote moins de 1,6 dollar, alors qu’elle valait 2,4 dollars dix-huit mois plus tôt.

Un renversement de tendance se produit et la livre sterling dépassera 2,4 dollars à la fin de 1980. Un retournement brutal marque l’année 1981, à la suite du redressement considérable du dollar. La livre cote six mois plus tard moins de 1,8 dollar et atteindra 1,67 dollar en septembre 1982 malgré une légère amélioration en terme pondéré depuis le mois de mars.

Si, à partir de la fin de 1973, l’afflux de fonds pétroliers en partie compensé par une baisse des autres balances sterling a permis un financement aisé du déficit extérieur, la situation va se dégrader en 1975 où le reflux de capitaux pétroliers s’accompagnera d’une chute de la livre sterling, chute qui s’amplifie de manière spectaculaire entre mars et novembre 1976, sous la pression du déficit courant et de la baisse des balances officielles.

Le niveau record des taux d’intérêt et l’octroi de nouvelles facilités de crédit contre l’engagement de limiter le rythme d’expansion monétaire sont à la base du retournement de la fin de 1976. Le recul du dollar et l’amélioration des paiements courants du Royaume-Uni due notamment au pétrole de la mer du Nord assurent une bonne tenue de la livre sterling en 1977. Malgré un fléchissement au début de 1978, la crise iranienne et la faible vulnérabilité de la Grande-Bretagne au nouveau choc pétrolier favorisent la monnaie anglaise. Cette tendance va se poursuivre en 1979, malgré une détérioration des paiements courants. L’abolition du contrôle des changes et le durcissement de la politique monétaire américaine vont néanmoins provoquer à la fin de l’année des reflux de fonds et une dégradation importante de la livre, entravée début 1980 par une hausse des taux d’intérêt. L’excédent des paiements courants pour cette année explique la tenue de la livre sur le marché: il va s’améliorer en 1981 et atteindre quelque 16 milliards de livres. Toutefois, les sorties considérables de capitaux, liées surtout aux investissements directs et aux remboursements anticipés d’emprunts internationaux, aboutissent à une baisse des réserves de plus de 5 milliards de dollars. Ce phénomène, lié à l’excellente tenue du dollar contre toutes les monnaies, à une détente sur le front pétrolier et à des considérations d’intérêt, s’accompagne d’une chute brutale de la livre sterling qui passe en six mois de 2,4 à 1,8 dollar. À une légère amélioration en fin d’année succède une nouvelle détérioration en 1982.

Au terme d’une longue évolution, la livre sterling n’a pas perdu tous ses attributs de monnaie internationale et Londres reste une place financière de premier plan. Toutefois les facteurs strictement nationaux ont joué un rôle de plus en plus important sur l’évolution de la livre sterling. Ce sont eux – ou plutôt le jugement qu’ils ont inspiré aux marchés internationaux – qui ont provoqué, en 1992, la sortie de la livre du mécanisme de charge instauré au cœur du système monétaire européen.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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